Paire ex troika (French Edition)

Paire ex troika (French Edition)

Stephen Baker courait à perdre haleine dans les couloirs du laboratoire de Stamford, dans la banlieue de Boston. Les pans de sa blouse blanche virevoltaient derrière lui et il battait l’air de ses mains, à la fois pour respirer et pour se donner de l’élan.
Il n’avait pas couru de cette façon depuis l’université et il soufflait telle une forge, les poumons en feux. Qui avait eut l’idée d’installer le bureau de son directeur de l’autre côté du bâtiment ? Lubie d’architecte, se dit-il en essayant d’avaler sa salive pour calmer l’irritation de sa gorge sèche.



Enfin le dernier couloir et pas des moindres par sa longueur ! Les baies vitrées laissaient passer les rayons d’un soleil timide qui éclairait à peine les portes opposées des bureaux. Vu de l’extrémité, le scientifique semblait courir dans une espèce de halo plus ou moins épais, gesticulant pour déchirer le voile qui embrumait ses yeux.



Un groupe de collaborateurs en discussion devant une fontaine à eau se retourna en entendant ses pas. Tous s’écartèrent de son chemin, puis le regardèrent s’éloigner comme s’il avait le diable à ses trousses. Ce maudit couloir de l’Institut de recherche n’en finissait plus et Baker s’épuisait. Il allongea le pas, mais il lui semblait que ses pieds étaient lestés ou qu’il marchait dans du sable.



Une main sur le foie pour soulager un point de côté, il cligna plusieurs fois des paupières pour évacuer la sueur qui lui tombait dans les yeux et poussa un soupir de soulagement. Il arrivait enfin, haletant, aux pieds des escaliers qui montaient vers le bureau de Richard Cox, le chef de département.



Il s’arrêta, souffla puis s’agrippa à la rampe pour mieux doser son effort. Une forte inspiration et il reprit sa course, montant les marches deux par deux. Cependant, sur le palier intermédiaire, il s’arrêta de nouveau, posa ses mains sur ses genoux en se penchant en avant et expira longuement. Son cœur cognait comme une grosse caisse. Des coups sourds, des coups puissants qui le meurtrissaient et qui l’alertaient sur son état de santé déclinant. Il s’adossa à un des angles du mur face aux marches restantes et releva la tête pour tenter de respirer davantage.



Il lui semblait que l’air se raréfiait. Il posa la main sur son cœur et crut un instant ne plus distinguer de battements.

Je vais mourir, se dit-il.

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